Atterrissage en marabout de piste ..

Publié le par amarula



Le vol du marabout


    

          De chaque côté, les ailes noires fendaient l'air d'une façon presque chirurgicale, sans un souffle, à une vitesse qui ne variait pas. Ce n'était qu'un point haut dans le ciel africain, cette toile uniformément bleue dépourvue pour l'instant du moindre nuage. L'oiseau était laid, si laid avec son appendice sous le cou qui ballottait lorsqu'un virage s'amorçait, mais on ne s'en rendait pas compte.


      Il était, vu de loin, avant tout gracieux, étonnant d'équilibre, harmonieux déplacement sur fond de lumière. Le silence semblait l'enrober entièrement mais on pouvait bien sûr imaginer le sifflement du vent à ses oreilles, le paysage qui s'offrait à ses yeux. C’est vrai qu’on ne l'aimait pas beaucoup quand on le voyait, replié comme un parapluie, posé sur le mur des abattoirs. Mais il était aussi dans son nid parmi les fleurs mauves, à materner ses petits, ou statue érigée au sommet d’un réverbère, la tête enfouie pour la nuit.


        Il s'empêtrait parfois dans les fils électriques et restait là déchiré, suspendu, pitoyables ailes brisées. Ou il faisait de l'équilibre sur le bord des antennes paraboliques, levant haut la patte au dessus du vide. Il claquait du bec, qu'il avait très long et pointu, pour signifier quelque chose à ses congénères, les chasser de la branche qu'il avait choisie.


      Pour l'instant il se rapprochait, il avait amorcé sa descente en larges cercles. De temps en temps, il regardait sur le côté comme pour se prévenir d'un danger, vérifier que la voie était libre, scruter l'immensité autour de lui. D'autres passagers immobiles se laissaient porter par le vent, battant une fois des ailes pour changer de cap ou ne pas perdre de l'altitude. Des ibis, petits volatiles ronds précédés d'un fin bec courbe se déplaçaient en bandes, poussant de temps en temps d'incroyables éclats de rire. Le ciel était habité de tourbillons qui allaient en tous sens, multitude de passereaux, zébrures des premières chauve-souris.


      Maintenant on s'apercevait qu'il avait deux couleurs, noir et blanc, surprenante sobriété sous ces latitudes où aiment claquer le rouge et le jaune. Quelques rapaces venaient s'immiscer dans sa trajectoire comme autant d’accents circonflexes. Il ne les voyait pas. Déjà il savait où il allait se poser et il avait calculé, en bon navigateur, l'altitude et l'inclinaison du ciel, le poids du retour sur la terre. Mais voilà qu'il se penchait vers l'arrière.


  Comme un avion qui redresse le nez, lui avançait deux pattes raides surgies de son empennage, toutes ailes déployées pour freiner sa course. L'ensemble balançait un peu mais pas un instant ne déviait de son but. Le marabout devenait de plus en plus gros, de plus en plus lourd. Il semblait accélérer alors que c'était le contraire. Soudain maladroit, tel une oie ridicule de bandes dessinées, on aurait dit qu'il allait se fracasser sur un arbre. Mais il n'en était rien. Sa course s'arrêtait net là ou il l'avait choisi. Les ailes étaient déjà repliées. Il était à nouveau hiératique, impénétrable observateur du monde

 

 

 

Publié dans habarizaleo

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A
C'est a Kampala (Ouganda) qu il y a plein de marabouts qui tournoient dans le ciel
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C
Je ne me rappelle pas du tout avoir vu des marabouts en Afrique de l'ouest et pourtant cette silhouette ne m'est pas inconnue. Très beau portrait!
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M
Tu as bien observé le marabout, pour en parler ainsi. Et peut-être aussi avoir fait un séjour en Afrique ? J'ai habité également quelques années dans ce pays.Tu t'exprimes très bien, moi je galère plutôt pour rédiger mes textes !!Merci de ton passage (une réponse à ton com.)A +
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