Le rêve du poète
Sept collines blanches de lumière et vertes d'une multitude d'arbres , des chemins ocres s'y promenant en tous sens, se heurtant à des haies touffues qui ne permettent aucun regard mais, vues de loin, une toiture bleue par-ci par là au milieu de ses soeurs en brique, de la fumée morcelées comme des signaux d'Indiens, et une mosquée tout en haut avec son croissant de lune contre le ciel. Vers l'horizon, quelques éclats de lac enchâssés dans les îles. Un silence fait de souffles épars. Et aucun mouvement si ce n'est l'avancée des nuages jetant ombres et clarté comme s'ils aspiraient à changer de toile.
Intéressé, il prit sa loupe qu'il plaça au hasard près d'une termitière dressée en plein champ et il sentit alors l'odeur de la terre mouillée, il eut aussi nettement l'impression en y posant le pied qu'il connaissait déjà cette partie du monde. Une chèvre plus loin le regardait de côté en tirant sur des bouts de corde, une voûte de feuilles vertes étalait sa fraîcheur comme une ombrelle oubliée là depuis des siècles .
Il fit quelques pas dans l'herbe , décidé à trouver un peu d'eau près de laquelle il aurait pu s'étendre. Des sauterelles jaillirent des fourrés et déployèrent leurs ailes tremblantes, une pie ricaneuse passa tout près. C'est alors qu'il les aperçut. Le garçon poussait devant lui un petit personnage qui pédalait de toute la force de ses jambes en fil de fer et il avait l'air fier de qui possède la plus précieuse des richesses. La fillette portait une robe fânée mais perles et fleurs s'entrelaçaient dans ses cheveux qu'elle avait finement tressés. Les yeux riaient et son visage était ciselé de tendresse. Deux silhouettes dansantes le long du sentier qui menait au rouge pâle d'un soleil presque renversé. Et les notes indistinctes d'un tambour mêlées au grondement de l'orage déjà lointain .
Le poète reposa sa loupe et ferma les yeux en souriant. Enfin il venait de trouver l'endroit où il allait vivre.